Les mots surlignés font l'objet d'une note
1Monsieur, il y a long temps que je n’ay eu aucune commodité de vous
2escrire, et avec ce, la paresse et négligence qui est en moy naturelle
3est tellement crue et augmentée que je ne puys escrire ny faire rien
4autre, et pource je vous supplie très humblement m’avoir pour excusé.
5Ayant à ceste heure le moyen d’escrire à madame la contesse de
6Grignan, je luy envoye ceste despeche et la prie vous la faire tenir
7par la voye du Montelimar. J’ay receu votre lettre escrite à Grenoble
8le XXVIIIme de novembre, dont j’ay esté très ayse entendre que
9vous et madame de Gordes continués tousjours en bonne santé,
10dequoy j’en loue Dieu et le prie vous y conserver bien longuement.
11Par sa grâce, nous sommes tous par deça en mesme estat. Vous n’aurés
12pour ce coup point de lettres de madamoyselle de Caseneufve ny de
13monsieur d’Apt qui est à Gargas, et vous contenterés que je vous
14dye qu’ilz se portent fort bien et mes petis neveus et nièce aussi.
15Je suys bien marry qu’il samble que vous mettiés en doubte votre
16voyage par deça pource que vous voyés les afferes assés amborroillés
17et en doubte. J’escry à notre frère, monsieur d’Évènes et à mon neveu
18de Laval. S’il vous plait, mes lettres seront mises dans la première
19despeche que vous leur ferés. J’escry aussi à monsieur d’Ayguebelle.
20S’il est là à Grenoble, quelcun de voz gens luy pourra bailler ma
21letre et luy en demander response ; et s’il n’y est, l’un de voz secrétaires
22la luy pourra faire tenir à Saint-André de Cousans ou à Upays ;
23que sera l’endroict où je me recommanderay bien humblement à
24votre bonne grâce et à celle de madame de Gordes, en priant
25Dieu, Monsieur, qu’il vous doint la sienne et en parfaicte santé longue
26et contante vie. D’Apt, ce XIIme décembre 1572.
27Votre humble et obéissant frère.
28Baptiste de Simienne
29Monsieur, il y a jà assés de jourz que monsieur d’Alemaigne,
30ne pouvant venir passer ici, m’envoya seurement la
31lettre que vous m’escriviés du Montélimar le XX octobre
32[v] par la quelle et aussi par ce que en la votre dernière
33m’avés escrit de votre main, je reconnoy bien la grande, entière
34et fraternelle amitié que vous m’avés tousjour portée ; et
35d’autant plus suis-je extrememant, et plus que ne vous scaurois
36dire, marri et desplaisant que je ne puis vous contanter
37et satisfaire ; et premièrement à madamoyselle de
38Casaneufve et si je le pouvois faire sans offenser Dieu
39et combatre ma conscience, je le fairois plus voluntierz
40et de meilheur cueur que chose que j’aye jamais fait,
41mais vous savés fort bien que nous devons préférer
42l’honneur de Dieu et la satisfaction de noz consciences
43à tout ce qu’est en ce monde. Les exemples de tous ceux
44qui contreviennent à la volunté de Dieu et furieusement
45violentent leurz consciences ne me meuvent en rien. Un
46seul qui creit à Dieu est plus à estimer que une infinité
47de ceux qui se rebellent contre Dieu. Je ne doute pas que
48vous et plusieurz mes proches parans ne soyés grandemant
49en peine par ma personne et mes biens, mais aussi je ne
50suis rien en moindre peine et ennuy pour voz âmes, vous voyant
51en très mauvais chemin et voye du salut d’icelles, ce
52que je vous supplie ne prandre en mauvaise part. Quant
53à mon abbaye, vous en fairés comme vous samblera pour la
54sauver, espérant que vous fairés que celluy à qui la
55fairés bailler m’en faira telle et si raisonnable condition
56que je pourray m’en contanter. Si je suis frustré de
57mon espérance, Dieu me donnera pacience et me faira
58la grâce de dire dominus dedit, dominus abstullit, sit
59nomen domini benedictum. Je me recommande encores
60ce coup très humblement à votre bonne grâce.
61